Monday, June 25, 2007

Open letter to Louis Joinet from Charliénor Thompson

An open letter was recently sent to Louis Joinet, the United Nations' independent expert on the situation of human rights in Haiti on behalf of the victims of the February 2004 massacre that took place in the northern Haitian town of Saint Marc.

Readers of this blog will remember the Saint Marc killings as one of the most odious human rights abuses to take place in Haiti as the government of Jean-Bertrand Aristide sputtered to an end that month. Following the lead of street gangs formerly loyal to the president in Gonaives (who rose up to avenge the murder of their leader, Amiot “Cubain” Metayer and drove government forces from the town on February 5), the anti-Aristide group Rassemblement des militants conséquents de Saint-Marc (Ramicos), based in the neighborhood of La Scierie, two days later took advantage of the chaos to use the weapons at their disposal—mostly light sidearms and pistols—to overrun the Saint Marc police station, where they freed all the prisoners before setting the structure on fire.

On February 11, however, pro-government forces recaptured the town, and members of the Unite de Securite de la Garde du Palais National d’Haiti and the local pro-Aristide Bale Wouze paramilitary gang set about on a multi-day mass killing of Aristide opponents, as well as politically unaffiliated civilians, during which authoritative accounts list at least 27 people as having been slain and a number of women raped. One of the leaders of Bale Wouze, former Fanmi Lavalas party Deputy Amanus Mayette, a man who witnesses in Saint Marc have charged actively participated in the killings, was freed from prison without trial last month.

The letter to Louis Joinet, written by a former Ramicos member named Charliénor Thompson, now the coordinator of the Association des Victimes du Génocide de la Scierie (AVIGES), named for the neighborhood in Saint Marc where many of the killings took place, with some cause takes the United Mission in Haiti (known by its acronym, MINUSTAH) to task for what some victims of human rights abuses during Haiti's 2001-2004 government charge is the organization's somewhat cavalier attitude when it comes to prosecuting the responsible and defending those victimized in such incidents as the killings in Saint Marc.

Thompson writes that, with Amanus Mayette and other perpetrators now walking free, “what justice can we expect? Who will be able to testify freely while the assassins are free and circulate with total impunity?" The letter then goes on to speak of the fear that residents of Saint Marc live in, afraid that now, as they have been pushing for justice for over three years, they make again become victims of those who attacked them in the past.

Holding people indefinitely without trial is wrong, but equally wrong is the denial of a day in court for people who have suffered as grievously as those of Saint Marc have. The victims of the killings and other violations that took place in Saint Marc in February 2004 deserve to have a lawful, transparent day in court with those that they accuse of such heinous crimes.

In the interest of making the ground-level perspective on this issue more widely available, below please find the unedited text of Charliénor Thompson's letter to Louis Joinet.


Lettre ouverte au juge Louis Joinet
Charliénor THOMPSON
19, Rue Briand Charles, Saint Marc, Haïti
Cell. 781 4794 E-mail :
tcharlienor@yahoo.fr
Saint Marc, le 12 juin 2007

Monsieur Louis JOINET, Juge
Expert Indépendant Pour Haïti
Du Conseil des Droit Humains des Nations Unies

Via : Edmond MULLET
Chef de la MINUSTHA
Représentant du Secrétaire Général
Des Nations Unies.

Monsieur le Juge Expert Indépendant,

Nous vous écrivons à titre de coordonnateur d'un groupe dénommé AVIGES qui rassemble les victimes des évènements survenus à Saint Marc, au cours du mois de février 2004 sous la présidence de M. Jean Bertrand Aristide, ordonnés et coordonnés par le Premier Ministre d'alors M. Yvon Neptune. Nous apprécierions que vous puissiez nous accorder quelques minutes de votre attention, le temps de la lecture de la présente, malgré vos obligations habituelles, entre deux missions en Haïti.

De vos divers voyages, dans notre pays, nous avons retenu que la seule visite que vous nous avez rendu, a été pour soutenir la demande en récusation du tribunal de Saint Marc introduite par M. Neptune inculpé dans les massacres de Saint Marc.

Nous suivons avec attention le déroulement de vos missions dans notre pays, et nous avons noté qu'elles sont toutes de courtes durées. En lisant les comptes-rendus de la presse et en écoutant avec intérêt vos prises de positions dans les médias haïtiens, nous avons du mal à comprendre l'objet de votre mission. Nous ignorons les termes de références du contrat vous liant aux Nations Unies, aussi pour nous aider à comprendre serait-il important que nous sachions quels sont les termes de référence de vos intervention dans notre pays. Etes-vous " Inspecteur International des Geôles Haïtienne " ou " Expert chargé de conseiller et de faire des recommandations à l'État Haïtien pour la réforme du système judiciaire et le respect des droits de la personne "? La question peut paraître saugrenue mais elle est pertinente si l'on tient compte de vos déclarations, lors des entrevues que vous avez accordé en Haïti, concernant vos principales préoccupations.

Pour nous autres victimes, qui vivons en Haïti et qui avons introduit une plainte auprès du système judiciaire de notre Pays, depuis plus de trois (3) ans, nous demeurons perplexe et nous nous demandons : "Qui se soucie de notre cas ? "

Notre cause traîne, prise dans un labyrinthe de procédures. Nous nous posons la question sur ce qui peut inciter le gouvernement de notre pays à afficher un tel mépris à l'égard des victimes.

Nous avons vu et nous continuons à voir un ballet d'experts s'activer et se préoccuper du cas des bourreaux et faire fi de la situation des victimes. Leur suffit-il, pour se donner bonne conscience, de savoir que nous avons la chance d'être encore en vie après les horreurs et tribulations que nous avons vécues. Pensent-ils pouvoir se mettre à l'abri de toute critique pour avoir prononcer des phrases sibyllines du genre de celle que vous dites en alléguant que vous n'aviez par ailleurs aucune sympathie pour ce monsieur (en parlant de Amanus Mayette), tout en oblitérant les circonstances particulièrement confuse ayant entouré sa mise en liberté.

Que fait ou que devrait faire le système des Nations Unies qui vous emploie ? En quoi consiste ou devrait consister le rôle de ce système et des experts qu'il nous envoie ? De quelle type d'assistance notre Pays a-t-il besoin, dans les circonstances actuelles, particulièrement difficiles de notre vie de peuple ? A quoi sert réellement, en fin de compte toute la " sollicitude" dont nous semblons faire l'objet ? Une réponse doit être trouvée à nos interrogations de citoyens haïtiens.

Nous avons cru déceler dans vos prises de position une pointe d'humanisme quand vous compariez les prisonniers du Cap Haïtien à un tas de vers empilés sur une motte de terre. Pour que vous souciez de notre sort, au lieu d'être de simples victimes devrions nous plutôt être des prisonniers ?

En attendant une réponse nous voudrions rappeler le caractère non violent de notre action pour la justice et la paix ainsi que certains faits vécus qui sont à la base de nos revendications de notre action en justice.

Parmi les faits se rapportant aux événements de février 2004 on peut retenir, notamment :

des jeunes gens désarmés esquissant des pas de " Break Dancing Afro Américain" pour tenter

d'éviter l'impact des balles meurtrières tirées depuis l'hélicoptère du gouvernement d'alors ;

un jeune homme blessé enlever des bras de sa mère pour être jeté vivant dans un brasier ;

une jeune mère se faire violer dans le commissariat de police de Saint Marc une semaine après avoir accouché ;

des cadavres dépecés par des chiens dans les mornes de la scierie après les tueries organisées par le police national et les gangs armés aux ordres du gouvernement Aristide / Neptune ;

un jeune homme arrêté à moins de 50 mètres du commissariat de police de Saint Marc se faire arracher les globes oculaires à l'aide d'une fourchette, être invité ensuite à se mettre à table pour une partie de cartes avec ses bourreaux et être finalement tué ;

un jeune homme traîné vivant attaché à l'arrière d'une camionnette sur plusieurs kilomètres dans les rues de la ville pour être finalement brûlé vif avant de rendre son dernier soupir ;

l'incendie d'une demeure ou vivaient seul deux vieillards quasi nonagénaires qui seraient morts brûlés vif sans l'intervention de certains voisins ;

un jeune homme désarmé se faire brûler avec sa compagne enceinte de huit mois

Etc.…

Tous ces meurtres et crimes ont été exécutés du 9 au 29 février 2004 sous les ordres de MM. Jean Bertrand Aristide Ex Président de la République et Yvan Neptune Ex Premier Ministre d'Haïti. Nous en voulons pour preuve le fait que certains prisonniers de Saint Marc ont été conduits au Palais National ainsi que les 9 heures de conversation téléphonique du Premier Ministre, sur son cellulaire personnel, avec les criminels qu'il avait installé à Saint Marc (60% de ses appels pour la période sus cité), ceci a été révélé par l'instruction de l'affaire.

Aujourd'hui, nous, victimes des actes d'horreurs cités plus haut vivons sous la menace constante des criminels qui ont tous été libérés sous la pression, notamment, de certains organismes de la société civile internationale.

Pour arriver à leurs fins les prévenus, inculpés par le juge d'instruction, ont utilisé tous les moyens dilatoires que leur procuraient les procédures judiciaires. Ils ont aussi utilisé les pressions médiatiques et les opinions d'experts pour faire accréditer la version de la prison préventive prolongée, alors que les délais sont dus aux faiblesses et au mauvais fonctionnement de l'appareil judiciaire dont la bonne marche est une responsabilité du gouvernement.

Actuellement les criminels en liberté ne lésinent pas sur les moyens de pression sur nous autres victimes et sur les témoins de leurs actes barbares. Ils font même jouer leur accointance avec certains tenants du pouvoir politique actuel pour nous intimider.

Aujourd'hui à quelle justice devons nous nous attendre ? Qui pourra témoigner librement alors que les assassins sont libres et circulent en toute impunité. La majorité des habitants de Saint Marc ont peur. Même ceux qui ont été directement victimes des actes cités plus haut ont peur. Les victimes ont envie de fuir la ville et les témoins se terrent.

Quand l'État nous fera-t-il bénéficier des bienfaits de la justice que nous réclamons ? Dans les circonstances actuelles, sous quelle forme viendra-t-elle ?

La communauté internationale, via la MINUSTHA, s'intéresse-t-elle vraiment à voir s'établir en Haïti un état de droit ? Les préoccupations des haïtiens au sujet de la justice sont elles prises en compte par la communauté internationale ? Alors que les haïtiens perçoivent l'insécurité et l'impunité comme le plus grand mal qui ronge notre société, on croirait, à vous entendre, que le plus grand problème du pays est celui du système carcéral! Les experts de passage des Nations Unies condamnent le mauvais état des prisons ainsi que la mauvaise gestion des lieux de détentions alors que le responsable de la gestion des prisons est le gouvernement assisté par une batterie d'experts placés au sein même de ce système carcéral. Les experts de passage des Nations Unies condamnent la mauvaise gestion de la justice alors que tous les circuits de notre système judiciaire regorgent d'expert de ces mêmes Nations Unies qui sont à demeure dans le pays. Nous serions reconnaissants à qui nous permettrait au moins de comprendre.

Nous craignons d'être vu à travers un modèle et nous ne savons pas dans quel modèle l'ONU place les évènements qui se sont produits en Haïti. Nous assistons à une désagrégation de la machine étatique et plus particulièrement, en ce qui nous concerne, du système judiciaire et nous n'avons aucune idée des recommandations au Gouvernement de notre Pays ni des actions concrètes prévues pour redresser la situation. Nous sommes inquiets pour notre avenir et nous recommandons une prudence extrême dans l'emploi des modèles, et dans l'application de mesures toutes faites venant de l'extérieur : l'expérience notamment du Rwanda étant là pour nous interpeller tous.

Nous vous communiquons en annexe deux textes qui vous permettront de vous faire une idée de ce qui s'est réellement passé à Saint Marc : l'un est un communiqué de l'Associations des Entrepreneurs de l'Artibonite daté du 13 février 2004, l'autre une lettre ouverte d'une des victimes.

Nous, haïtiens, sommes familiers des paradoxes de la France éternelle et généreuse. Après nous avoir donné les grandes idées de 1789 et nous avoir envoyé le commissaire Sonthonax qui donna sont appui à la révolte en consacrant officiellement par décret la liberté général des esclaves ; n'a-t-elle pas envoyé l'armée expéditionnaire avec Leclerc et Rochambeau pour rétablir l'esclavage et capturer le Général Toussaint Louverture qui avait cru pouvoir élargir ces idées généreuses à toutes les races. Après avoir compris que Jean Bertrand Aristide était un criminel indigne de la fonction de président ; n'est elle pas devenue la terre d'asile pour deux criminels inculpés dans les évènements de Saint Marc comme elle l'est pour Jean Claude Duvalier.

Juste avant de terminer, permettez nous de soumettre à votre sagacité cette phrase de l'autre : « Eprouver dans sa chair l'injustice commise contre quiconque dans le monde est la plus belle qualité d'un révolutionnaire » En la circonstance nous dirions « de tout juge soucieux des droits de la personne ».

Nous vous remercions d'avoir pris le temps de lire cette longue missive. Nous espérons qu'elle aura la vertu d'enrichir vos réflexions de juge - expert et qu'elle permettra au système des Nations Unies de mûrir ses actions dans le monde en général et en Haïti en particulier.
Dans l'espoir de pouvoir un jour bénéficier de l'attention et de la compréhension des experts internationaux si influents dans notre pays nous vous présentons, monsieur le Juge Expert Indépendant, nos salutations distinguées.

Charliénor THOMPSON
Coordonnateur de l'AVIGES

PJ : Communiqué du 13 février 2004 de l'AEA
Lettre ouverte de Franck Paultre
CC : Le Parlement Haïtien
Le Gouvernement Haïtien
La Presse
Les Organismes des Droits Humains
Le Public

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